Nous enseignons à nos enfants «quoi» penser de préférence à «comment» penser ; et l’auteur, ce philosophe indien bien connu, nous montre qu’il faut éveiller l’intuition plutôt que recueillir des données livresques.
L’éducation d’aujourd’hui est, pour Jiddu Krishnamurti (1895-1986), une faillite complète parce qu’elle accorde la primauté à la technique et qu’elle est incapable de résoudre nos conflits psychologiques. La vraie éducation doit aider à mûrir, à penser intelligemment et la maturité n’est pas une question d’âge mais elle vient de la compréhension.
Cet ouvrage montre aux pédagogues que «l’enseignement n’est pas un épanouissement de la personnalité du maître, mais l’abnégation de soi».

De l’Éducation
Auteur : J. Krishnamurti
Traduit de l’anglais par Carlo Suarès
Aux Éditions Delachaux/Niestlé (1970).

Extraits tirés des deux premiers chapitres

Or, quel est le sens de la vie? Quels sont les mobiles qui nous font vivre et lutter? Si nous n’avons été élevés que pour obtenir des honneurs, occuper de bons emplois, être efficients, dominer le plus possible, nos vies sont creuses et vides. Si nous n’avons été instruits que pour être des hommes de science, des universitaires plongés dans des volumes, ou des spécialistes de diverses connaissances, nous contribuons à la destruction et à la misère du monde.

Nous avons tous été entraînés, par l’éducation et le milieu, à rechercher un profit et une sécurité personnels, à nous battre pour cela. Bien que nous revêtions ce fait de noms agréables, nous avons été dressés à exercer des professions dans les cadres d’un système basé sur l’exploitation et sur les acquisitions qu’exige la peur. Une telle éducation doit nécessairement engendrer la confusion et la misère pour nous et pour le monde, car elle crée en chaque individu des barrières psychologiques qui l’isolent de ses semblables.

Dans nos sociétés, telles qu’elles sont organisées, nous envoyons nos enfants à l’école pour qu’ils apprennent un art ou une science qui leur permettront un jour de gagner leur vie. Nous voulons faire de notre enfant d’abord et surtout un spécialiste et espérons ainsi lui donner une situation économique sûre. Mais est-ce que l’enseignement d’une technique nous rend capables de nous comprendre nous-mêmes?

Seul l’amour peut engendrer la compréhension d’autrui. Où est l’amour, il y a communion instantanée avec l’autre, au même niveau et en même temps. C’est parce que nous sommes si desséchés nous-mêmes, si vides et sans amour que nous avons permis aux gouvernements et aux systèmes de s’emparer de l’éducation de nos enfants et de la direction de nos vies ; mais les gouvernements veulent des techniciens efficients, non des êtres humains, car des êtres vraiment humains deviennent dangereux pour les États et pour les religions organisées. Voilà pourquoi les gouvernements et les Églises cherchent à contrôler l’éducation.

La récompense ou la punition pour une action quelle qu’elle soit, ne fait que renforcer l’égocentrisme. Agir pour le compte et dans l’intérêt d’autrui, au nom de la patrie ou de Dieu, conduit à la peur, et la peur ne peut pas être à la base d’une action juste. Si nous voulons aider un enfant à avoir des égards pour les autres, nous ne devons pas le soudoyer en invoquant l’amour, mais lui expliquer ce qu’est le respect d’autrui, en y mettant la patience et le temps qu’il faut.

Entretien Vidéo

“Dans cet entretien, Krishnamurti et son interlocuteur, Jean-Louis Dewez, examinent la question de la finalité de l’éducation: que souhaitons-nous pour nos enfants, qu’ils perpétuent le monde et les comportements de leurs parents et de leur grands-parents qui nous ont conduit dans l’impasse où nous nous trouvons … ?

L’éducation d’aujourd’hui a pour objectif l’acquisition des connaissances qui feront de nous des hommes compétitifs, équipés pour la réussite extérieure. Les savoir-faire enseignés servent à dominer, à exploiter la nature et à se faire une place dans la société . Le progrès technologique de l’humanité est impressionnant. Néanmoins, l’homme lui-même n’a pratiquement pas évolué depuis dix milles, cent milles, un million d’années. L’éducation ne devrait-elle pas également inclure la connaissance de soi, le développement intérieur ? Une interview qui, si elle n’apporte pas de recettes concrètes, suscite la réflexion sur ces sujets fondamentaux pour notre avenir.”